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Doggy Bag
20 juillet 2005

L'esclave des temps modernes

Et moi qui pensais naïvement que l’esclavage avait été aboli. Non, je ne te parle de celui que nous pratiquons au nom d’un capitaliste franc et joyeux dans quelques pays d’Asie, d’Amérique du Sud ou d’Afrique, dans lesquels tout bipèdes en état de marche, de sa naissance jusqu’à sa mort, se voit honorer de travailler pour notre bonheur, je veux te causer de celui que nous pratiquons chez nous, ouais ouais, en France, aux yeux de tous et le plus légalement du monde. Enfin presque.

On appelle cela l’esclavage des temps moderne, sûrement en référence au XXI ème siècle, à l’ère d’Internet, de la Play Station et de nos 500 chaînes câblées. Parce que sinon c’est tout pareil à Germinal.

Sous le soleil de Provence, au milieu des cigales, entre Marseille et Montpellier, les esclaves des temps modernes, bien à l’abri des touristes qui après une année de labeur s’en vont bronzer paisiblement, sont à l’ouvrage. Ce sont les saisonniers du domaine de Cossure, employés par la société SEDAC. Enfin employés est peut être un mot inapproprié pour désigner des mecs qui bossent 230 heures par mois pour 842 euro. Ah, les 35 heures sont loin et les heures sups, un don de soi que fait l’ouvrier à son patron. Bon, d’un autre côté, ces ouvriers sont tous des marocains ou des Tunisiens, venus faire la saison dans les vergers du sud de la France. Des arabes, mais même pas clandestins, tous sous contrats de l’office des migrations internationales, l’OMI.

Des immigrés qui doivent faire plaisir à Sarkozy, avec son immigration choisie et non pas subie par la France. Pour le coup, là elle est choisie, voulue, demander, et redemander.       

Question logement, on a du pensé qu’il fallait leur recréer un environnement favorable à leur épanouissement, des conditions idéales pour qu’ils ne soient pas trop dépaysés, les meilleures infrastructures possibles pour, malgré l’éloignement, leur rappeler le gourbi. Des bungalows de 25 mètres carrés pour 4 salariés, en plein soleil, un matelas en mousse de quelques centimètres, pas de réfrigérateur, une minuscule plaque chauffante, le tuyau d’arrosage en guise de salle de bain et le tout à l’égout … attends, au Maroc, est ce qu’ils ont le tout à l’égout ? Merde, c’est des arabes après tout ! Le temps bénie des colonies à deux pas de chez nous.

Bien que leur contrat stipule que l’employeur doit les loger gratuitement, ils doivent tout de même s’acquitter d’un loyer de 62 euro. Pour le charognard, il n’y a pas de petits profits. Tout est bon à bouffer sur le cadavre de la misère humaine. L’esclave n’est pas content de son sort, ose élever une quelconque protestation – non, pas de coups de triques, on est entre gens civilisés et puis je t’ai déjà dit que ce sont des esclaves des temps modernes, je ne vais pas le répéter à chaque fois – mais qu’ils aillent se faire foutre, qu’ils ferment leurs gueules, sinon l’an prochain leurs contrats ne seront pas renouvelés.

Et ce n’est pas seulement le fait de quelques sociétés qui se prêtent sans vergogne à ce marchandage humain. Ces pratiques n’ont rien d’exceptionnelles dans ce petit paradis du « front national », presque tous les exploitants des vergers de la région perpétuent cette tradition. Précarisation absolue des salariés, pas de jour de repos fixe dans la semaine, mise arbitraire au chômage partiel sans indemnisation, travail de nuit sans surplus salarial, chèques parfois non signés,  l’utilisation abusive du CDD pour d’anciens OMI, pas d’accidents du travail, jamais d’arrêts de maladie, un seul credo, toujours la santé pour trimer ou alors tu dégages. Voila les règles féodales en vigueurs chez ces seigneurs de la pèche, de l’abricot, du brugnon, de la prune ou de la cerise.

Malgré la promesse de leurs patrons de leur payer les heures supplémentaires de 2004 et ne voyant toujours pas se pointer le moindre centime d’euro dans le ciel provençal, les ouvriers ont décidé de se mettre en grève. Ah le gâchis, les 400 plateaux de fruits qui sortent quotidiennement de ces vergers pour rejoindre nos tables à des prix prohibitifs pourrissent sur les arbres à cause de quelques arabes un peu trop regardant sur leurs conditions de travail.

Bon, moi toute cette salade de fruits ça commence à me filer la nausée. Allez, c’est décidé, j’arrête de bouffer des fruits, à la rigueur ceux en provenance … du Magrebh.       

   

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Commentaires
P
Ce n'était pas mon propos non plus!!<br /> <br /> Je pense juste qu'en achetant "français", on cautionne ces pratiques qu'on reproche à nos concurrents, rien de plus! ;-)
S
povres cultivateurs , on va les plaindre !
P
C'est clair que c'est plus qu'honteux!<br /> La faute à qui?<br /> Elle est bien là, la limite de la mondialisation et à plus petite échelle de l'Europe!<br /> Comment en effet imaginer un monde où les pays riches pour concurrencer les pays moins riches (je ne dis pas pauvres car aucun pays n'est véritablement pauvre, seuls le sont les peuples qui y vivent...), comment donc de tels pays peuvent ils faire autrement que de se mettre au diapason des salaires et des conditions de travail les plus vils?<br /> Coluche faisait remarquer que le capitalisme était l'exploitation de l'homme par l'homme... et que le communisme était l'inverse! Bref, on n'en sortira jamais quoi!<br /> <br /> A moins d'une révolution qui passerait peut-être comme tu le dis, par un refus du consommateur d'approuver par son porte-monnaie de telles exactions?<br /> <br /> C'est pas gagné...
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