Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Doggy Bag
31 août 2005

MEDEF : Fatale séduction

Il y a vraiment quelque chose de changé au MEDEF. Non, pas seulement que la quéquette a disparu au profit de la foufoune, que le complet veston du Baron avec chapeau melon et canne à pommeau d’argent a été remplacé par le tailleur Chanel et le sac Gucci, le ton aussi a changé.

Quand le Baron prenait plaisir à enfler le salarié, juste parce que sa condition d’employé en faisait un individu servile et corvéable et qu’il était normal de pratiquer ainsi, la Miss Ifop y va de son langage beaucoup moins agressif, d’une douceur et d’une sensibilité toute féminine - non pas sensuel faut pas déconner, ça reste le MEDEF tout de même, pas le Crazy Horse – presque presque, avec un peu d’imagination, l’ouvrier se sentirait materné, choyé, enfin compris. Je te rassure, au final le résultat est identique, il se fait empapaouter comme au bon vieux temps de la chevalerie patronale.

Tiens, le contrat nouvel embauche, celui où quand le carnet de commande a tendance à ne pas se remplir assez vite t’es prié de dégager dare-dare, celui où quand t’as eu la mauvaise idée de lever les yeux sans permission on t’invite à filer par la porte laissée grande ouverte,  et le tout sans passer par la case licenciement avec quelques pépètes à la clef en signe de bons et loyaux services, et bien au bon vieux temps du Baron t’aurais vécu ça comme une injustice, le symbole de la précarité. Alors que maintenant, avec la jupette et le gentil décolleté qui va avec assis dans le fauteuil patronal, la précarité devient juste une illusion.

Le nouveau discours du MEDEF : « La vie, la santé, l'amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? » Ah mais c’est que ça change tout là. Vu de cette manière le boulot a une autre gueule. L’amour et le travail ne font plus qu’un. – A ne pas confondre avec l’amour DU travail.

La voila enfin la solution miracle, plus la peine de te miner quand tu seras viré de ton boulot au bout d’une semaine, bof c’est pas grave, c’est juste un mauvais moment à passer, un peu comme quand ta copine se fait sauter par son patron dans l’espoir d’une promotion, ce n’est pas la fin du monde, juste l’illusion de la fin du monde.

De même plus la peine de t’angoisser parce que tu n’arrives pas à trouver du boulot, c’est normal, faut y faire mon gars. Si un cancer élisait domicile chez toi sans y être invité, tu n’irais pas emmerder le patronat avec tes soucis quotidiens, et bien pour le boulot c’est pareil. Et pour les pleurnichards, voir le bureau des illusions perdues au fond à droite du couloir, tu ne peux pas te planter. Alors tu vois que ça bouge au MEDEF. Bon, si tu cumules cancer, plus de boulot et ta femme qui s’est barrée avec son patron, c’est que tu l’as vraiment cherché.

Le discours a beau se féminiser au MEDF, il reste tout de même quelques axiomes incontournables. En particulier « Il faut que le français travaille plus » qui remporte toujours autant de succès et dont on ne peut pas se passer. Attention, par contre il n’est toujours pas question de travailler plus pour gagner plus, on est au MEDF, pas au Secours Populaire, faudrait voir à ne pas l’oublier. Les entreprises n’y survivraient pas, avec tout ce que cela entraîne, le chômage, les délocalisations chez les chinois ou les philippins, enfin tout le bazar qui suit quand on avance ne serait ce que l’hypothèse d’un petit plus pour les salaires.

Dans l’interview donnée par la nouvelle cheftaine des patrons au Figaro – ouais, j’ai de saines lectures, je lis le Figaro – pas une fois l’augmentation des salaires n’est évoquée. Ca doit être tabou, un peu comme le ni oui ni non, si tu le prononces t’as une amende de 10 000 euros. Bon, mais malgré tout il faut que le français retrouve le goût du travail. Alors la solution, sans que le patron ne soit obligé de mettre la main à la poche ? Revaloriser le travail par rapport à ceux qui ne foutent rien, inciter le Rmiste à devenir Smicard. Attention à la subtilité, en langage patronal cela ne signifie pas d’augmenter le Smic, mais de supprimer toutes ces formes d’aides à ces feignasses qui font semblant de trouver du boulot. Ou tu bosses pour 800 euros par mois ou alors ouste, à la rue sans un rond.

« Lorsque les entreprises gagnent, tout le monde gagne. » dit elle de sa voix suave. Enfin le salarié lui il y gagne pas des masses, mais bon, elle doit confondre avec l’actionnaire. Et pour que les entreprises gagnent, qu’elles soient compétitives, elle demande ardemment à l’ouvrier s’il ne serait pas contre le fait de fournir un petit effort, d’être un peu moins tatillon sur ses droits, de ne pas trop s’attacher à son entreprise.

En clair, il faut davantage de fluidité sur le marché du travail et arrêter d’ennuyer le patron avec toutes ces tracasseries administratives du type Prud’homme qui l’empêche d’exploiter au mieux les énergies – renouvelables ? – de son entreprise. C’est vrai, ça lui coûte un maximum ces conneries, alors qu’un bon code du travail tenant sur un post-it lui simplifierait tellement la vie.

Une image avec un joli sourire, un brushing bien soigné, une jupette, une paire de boucles d’oreilles et un petit coup de rimmel, le tout bien empaqueté avec un zest de séduction et ça vous donne un nouveau MEDEF. Peut être pas suffisant pour charmer le syndicaliste, mais bon, ça ne coûte rien d’essayer. 

Allez, c’est pas tout ça, mais moi rien que le fait d’écrire le mot travail une bonne dizaine de fois ça m’a épuisé.

    

Publicité
Commentaires
P
Il est clair que comme il est devenu impossible de concilier productivisme mondialiste et socialisme à visage humain, on finit par les opposer et c'est évidemment le plus fort qui gagne, hélas pour tous les salariés que nous sommes et qui voient certains acquis sociaux obtenus de longue lutte vaciller sous l'épée de Damoclès de la rentabilité et de la concurrence... (j'cause bien hein? lol)<br /> <br /> Nul doute qu'un jour la coupe finira par déborder bien au delà des carcans des syndicats frileux et qu'on reverra un autre Mai 68, sans doute plus violent que le premier...
Archives
Publicité
Publicité