Le 4 x 4, le gros con et le crocodile
Le conducteur de 4 x 4 et le gros con sont le plus souvent étroitement liés. En général, même, ils n’en font qu’un. C’est une lapalissade mais il me plait de me l’entendre dire, ou plutôt de me le voir écrire.
Enfin là je te cause du conducteur de 4 x 4 Mercedes ou BMW pour qui l’excursion se résume à prendre deux fois par jour la pénétrante à 4 voies, l’aventure, à monter sur les bordures de trottoirs, les étendues vierges, le parking de son lotissement et dont l’utilité de posséder un tel engin se mesure aux regards envieux de ses collègues de bureau tout aussi cons que lui. Sa fierté ne peut être adoubée que par la connerie des autres.
Mais maintenant, en plus d’être un gros con, avec la modique somme de 12 euro la possibilité du supplément ridicule s’offre à lui. Ca serait bêta de ne pas en profiter. Le spray à boue est à sa disposition pour donner une petite tonalité champêtre au 4 x 4 parfaitement lustré. Un petit coup de pschitt sur la carrosserie et voila le Land Rover, intérieur cuir, tableau de bord en ronce de noyer, qui n’a connu que l’autoroute et parfois, non pas par désir d’aventures mais simplement parce que son propriétaire s’était paumé, une départementale, le voila donc transformé en engin maculé revenant d’un safari au Kenya.
Fallait y penser quand même, lui donner l’aspect authentique pour lequel il a été conçu tout en ne s’éloignant pas trop de chez soi. Déjà que les doigts du petit dernier sur la peinture c’est tout un drame, alors imagine l’effet que provoqueraient les pattes d’un crocodile en mal d’affection venant gratter à la portière, sur le cerveau du bipède qui regarde respirer son engin rutilant.
Tandis que là, avec son spray à boue à portée de main, alors qu’il vient juste de déposer les marmots à l’école et sa femme à son cours de gym, faire croire qu’avec son costard taillé cadre supérieur il revient tout juste d’une ballade en forêt du Limousin ou d’une expédition humanitaire en Afrique ne sera qu’un jeu d’enfant. Le gros con adore ça, faire croire, donner l’illusion.
Donner l’illusion qu’il parcourt les chemins vicinaux de France à longueur d’année alors que sans son GPS il aurait du mal à se rendre à l’invitation de son directeur qui crèche en banlieue. Ou après avoir vu un reportage sur National Géographic, rajouter un pare buffle à son Mercedes, histoire de parfaire sa panoplie de baroudeur.
Je rassure immédiatement le maniaque qui passe son temps à se masturber en pensant à son Toyota et dont la moindre rayure sur la carrosserie l’amène tout droit à la déprime, les concepteurs de cette boue factice ont quand même pensé à ménager sa sensibilité, un simple coup d’éponge et la peinture reprendra son aspect habituel.
Et pour parfaire sa condition d’Indiana Jones des boulevards, le citadin cravaté n’aura plus qu’à donner un petit coup de pschitt senteur savane ou forêt tropicale à l’intérieur de son engin. Parce qu’après tout, il le vaut tellement bien !